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SUR L’AMOUR, REFLEXION

mercredi 31 décembre 2008, par Sophie

Extrait de "LE FEMININ - articles et conférences" de Françoise Dolto paru chez Gallimard.


"La psychanalyse n’élucide que la libido et ses pulsions refoulées qui s’expriment dans des symptômes. Le transfert sur un psychanalyste en permet l’étude. La psychanalyse ne vise pas et n’a pas les moyens d’élucider tout de la créativité ni des sentiments d’amour, et c’est ce qui a fait scandale pour les contemporains de Freud et qui continue à faire scandale autour de la psychanalyse authentique, malgré la séduction mondaine que son étude superficielle suscite et que l’application hâtive de sa théorie en marche abâtardit au rang de produit de consommation, en vue d’adaptation, alors qu’elle est processus de vérité sur le sujet qui s’y soumet sans préjugé des effets utilisables ou non de ce travail d’élucidation de la vérité.

On y découvre le sexe et les avatars du désir tout au long de la vie, on n’y parle pas de l’amour. C’est que l’amour échappe au désir, et parfois transcende le désir, en symbolisant les médiations librement renoncées mais plus souvent refoulées de sa trajectoire d’accomplissement. Emanant d’un lieu inconnu de l’être humain qu’il situe en son centre inviolé, viscéral, où ses entrailles sont comme un métronome à son souffle liés, son désir s’élance par des voies subtiles, à distance, vers l’autre, et, par l’expression mimique, gestuelle, vocale, vise à l’atteindre en son centre virtuel, homologue, inconnu à jamais pour tout vivant. Tout message d’amour est originé dans le désir d’un vivant pour un autre, au désir duquel il cherche à s’accorder. S’il réussit, le message les met, émetteur et récepteur pourrait-on dire, en communion instantanée et pour tous deux modificatrice. L’amour, allégorie d’une punctiforme rencontre, néantise la dualité désir-narcissisme où elle s’origine. L’amour devient symbole de dépossession de soi dans l’accord à l’autre (â-a-me) pour chacun des participants grâce à l’autre, acceuillant jusqu’à la dépossession de lui.

(...)

Si l’amour dont nous avons l’intuition existe, alors que nous ne pouvons éprouver la réalité que du désir conquérant et sa fièvre d’accomplissement, alors que l’amour est sans stratégie, d’autant plus puissant qu’il est étranger aux repères de temps et d’espace, c’est que cet émoi bouleversant nos critères psychiques serait originé dans nos expériences premières du lien perçu de notre mère symbiotique et dyadique à une autre présence, celle du père, avec qui elle nous prophétisait en donnant un nom à notre identité future, telle qu’elle adviendrait après la séparation pour nous sans représentation. L’amour n’est-il pas originé dans cette relation première qui réunit dans le cavum du nouveau-né dont l’être ignore les deux voix et les deux odeurs accordées de deux adultes dont il est la créative expression du dénuement total, en même temps que de leur désir d’un instant accompli et que notre présence atteste et déjoue ; et ce dénuement vagissant, n’est-ce pas cela l’amour ? Ce relais des bras bruissants de douces paroles a comblé de phonèmes sécurisants nos oreilles immensément vides du rythme pulsatile accordé de deux coeurs inconnus, sources sonores disparues, qui depuis cinq mois de vie foetale accompagnait de leur sourd tam-tam l’annonce de cette lumière qui nous en priverait à jamais."


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