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PLUTOT PÉDÉ OU GOUINE ?

mercredi 26 février 2014, par Sophie

Ou : "Où sont les femmes ?" comme le clamait Amber Hollibaugh...


"Où sont-elles donc, toutes ces femmes qui ne jouissent pas bien gentiment et n’en ont aucun désir ; qui n’ont pas la moindre idée de ce qu’elle aiment mais ont bien l’intention de le découvrir ; celles qui adorent les hommasses ou au contraire le femmes ultra féminines ; qui aiment baiser avec des hommes ; qui pratiquent le sado-masochisme mutuellement consenti ; qui se sentent plutôt pédés que gouines ; celles qui raffolent de godemichés, de la pénétration, des accoutrements de toutes sortes ; qui aiment suer à grosses gouttes, dire les choses les plus infâmes et voir l’expression de la détresse parcourir le visage de leurs amants ou de leurs amantes ; celles qui sont dans la confusion la plus totale et ressentent le besoin de mettre à l’épreuve les idées infiniment incertaines qu’elles se font de la passion ; où sont-elles donc, toutes celles qui trouvent qu’il n’y a rien de plus sexy qu’un flirt entre deux pédés ?"

AMBER HOLLIBAUGH s’exprimait ainsi dans "Desire for the future : radical hope in passion and pleasure" dans le livre de Carol S.Vance "Pleasure and danger. Exploring Female Sexuality", london, routledge, 1984. On peut en trouver un extrait ici.


Article de Clancy Nolan paru sur INDY sur A.H traduit par mes (approximatifs) soins :

Amber Hollibaugh is an ex-hooker, incest survivor, biracial radical feminist, high-femme lesbian, working-class, white-trash organizer and AIDS activist—her range of perspective is enough to make you dizzy. Born in rural southern California to a Gypsy father and an Irish mother, Hollibaugh suffered through her father’s advances, her mother’s physical abuse and relentless poverty to emerge as an important political activist in both the gay and lesbian civil rights movement and in the fight against AIDS.

Amber Hollibaugh est une ancienne prostituée, survivante de l’inceste, féministe radicale bi-raciale (comme le disent les américains), ouvrière, organisatrice plouc (ou comment traduire "white trash" ?) et activiste pour le SIDA - son champ d’action est tel que la tête vous en tourne. Née dans le sud rural de la Californie d’un père gitan et d’une mère irlandaise, Amber Hollibaugh a souffert des avances de son père, des abus physiques de sa mère et d’une pauvreté implacable pour émerger en tant qu’importante activiste politique pour le mouvement des droits civiques gay et lesbiens et dans le combat contre le SIDA.

How Hollibaugh escaped her past isn’t the question. Rather, it is how she incorporates her history with her activism that she discusses in My Dangerous Desires : A Queer Girl Dreaming Her Way Home, her newly published collection of autobiographical and political writing. Throughout her life Hollibaugh has occupied so many disparate roles simultaneously ; she has experienced her life at a virtual intersection of the complicated debates surrounding race, class, gender and sexuality in America. Yet the most unusual aspect of Amber Hollibaugh’s experiences is that they may not be so rare after all, just rarely heard.

Comment A.H a échappé à son passé n’est pas la question.Mais bien comment elle a incorporé son histoire dans son activisme. C’est ce dont parle son livre : "Mes dangereux désirs : une fille queer rêvant de rentrer chez elle", sa collection d’écrits autobiographiques et politiques publiés récemment. Tout au long de sa vie, A.H a occupé de nombreux rôles distincts simultanément ; sa vie se situe au point de convergence des débats compliqués concernant la race, le (rapport de) classes, le genre et la sexualité qui ont lieu aux States. Pourtant l’aspect le plus singulier des expériences de A.H n’est pas qu’elles sont rares mais qu’on n’en entend jamais parler.

In My Dangerous Desires, Hollibaugh offers her own history—or more appropriately, histories. Leaving home at age 18, she traveled as part of a Hawaiian dance troupe to Las Vegas, Reno and other such venues. There, she took up stripping to make more money. "I had contacts, I looked right, it was something I could do anywhere. Dancing was by far the easiest work I could find that paid easily," she explains.

Dans "Mes désirs dangereux", A.H offre sa propre histoire - ou plus opportunément : histoires. Elle quitte son foyer à 18 ans, voyage parmi une troupe de danse hawaïenne à Las Vegas, Reno et d’autres endroits similaires. Là, elle se met à faire du strip-tease pour gagner de l’argent. "J’avais des contacts, j’avais le look, je pouvais le faire n’importe où. Danser était le boulot le plus facile que je pouvais trouver qui payait bien", explique-t’elle.

Hollibaugh also became involved in a number of political movements, and stripping by night funded her unpaid activism by day. Simultaneously a prostitute and communist, she was a hooker among feminists who viewed sex workers as victims of patriarchal misogyny, and a high-femme lesbian in a gay and lesbian movement that regarded butch/femme as outdated, offensive role-playing. One way or another, Hollibaugh was an outcast, and she hid her sex work from her fellow activists. "I knew that even in the midst of the sex liberation movements, it wouldn’t be cool to talk about [being a sex worker]," she says.

A.H s’engagea parallèlement dans de nombreux mouvements politiques, le strip-tease de nuit payant pour ses activités bénévoles en tant qu’activiste la journée. Simultanément prostituée et communiste, elle était une pute parmi les féministes qui voyaient les travailleuses du sexe comme des victimes de la mysoginie patriarcale, et une lesbienne fem (ultra fem ?/high fem ?) dans un mouvement gay et lesbien qui considérait que le buch/fem comme un jeu de rôles dépassé et offensant. D’un côté ou de l’autre, A.H était une exclue, et elle cachait son travail sexuel de ses amis activistes. " Je savais que même au beau milieu des mouvements de libération sexuelles, il n’était pas cool de dire que j’étais une travailleuse du sexe", dit-elle.

Although she eventually gave up sex work, Hollibaugh maintains the perspective of a woman who has lived in both the mostly middle-class world of activism and the world of sex work for the sake of economic survival. It is this perspective that informs her activism. Her views of sex work are both realistic and radical. "It’s labor, it’s not morality," Hollibaugh says. "The work in and of itself is not horrendous. But I am not going to romanticize it, you really can be treated badly, it’s a pretty awful life." She insists that it does not always lead to victimization, however. "You have to say, wait a minute, some of us [feminists and lesbians] were sex workers. If you are talking about it as women’s work, why are you only allowing women to view their history as victims ?"

Bien qu’elle ait fini par arrêter le travail du sexe, A.H garde son point de vue d’une femme qui a vécu dans le monde activiste issu majoritairement de la classe moyenne et dans le monde du travail sexuel à des fins de survie économique. C’est ce double point de vue qui nourrit son activisme. Sa façon de voir le travail du sexe est à la fois radical et réaliste. "C’est du travail, ce n’est pas de la morale", dit-elle."Ce travail en soi n’est pas atroce. Mais je ne vais pas l’édulcorer, vous pouvez vraiment être mal traitée, c’est une vie assez horrible". Elle insiste sur le fait que ça ne mène pas toujours à une victimisation non plus. "Il faut dire, attendez une minute, certaines d’entre nous , féministes et lesbiennes, avons été des travailleuses du sexe. Si vous en parlez comme d’un travail de femmes, pourquoi n’acceptez-vous pas que les femmes considèrent leur histoire autrement qu’en tant que victimes ?"

In the early 1990s, Hollibaugh became the founding director the Lesbian AIDS Project (LAP) of the Gay Men’s Health Crisis (GMHC) in New York City, a project designed to provide resources to lesbians who are either at risk or are HIV positive. The project was not an easy undertaking. Despite rising concerns, lesbians for the most part are not considered to be a heavy risk population, so garnering support was not easy. "A group of dykes got together to dialogue with GMHC but it was very problematic," she says. "There was not data, and you need data to get funding. So we tried to construct a narrative out of stories and experiences but we couldn’t say, ’these are the numbers,’" she says. The narrative was compelling enough however, to challenge the mainstream image of lesbians as middle class, drug-free, monogamous and relatively out of danger for HIV transmission. The LAP was given funding for a three-year period, and Hollibaugh began searching out a population that is virtually invisible. The rationale was simple : Approach social service organizations, public health facilities and community centers with the assumption that they serve lesbians. "If you define welfare and community programs differently, if you assume there are lesbians there, then you can reach that population," she says.

Au début des années 90, A.H est devenue la directrice du projet lesbien pour le SIDA (LAP) du mouvement gay-hommes de New York (GMHC), un projet mis en place pour donner aux femmes à risques ou séropositives des informations. Le projet ne fut pas facile à mettre en place. Malgré l’interêt grandissant, les lesbiennes ne sont pas considérées comme étant une population à risque, donc récolter du soutien n’a pas été facile. "Un groupe de lesbiennes s’est constitué pour discuter avec GMHC mais c’était trés problématique". "Il n’y avait pas de données statistiques, et vous avez besoin de ces données pour récolter des fonds. Donc on a essayé de construire un recueil à partir d’histoires et d’expériences mais on ne pouvait pas dire : voilà les chiffres", dit-elle. Le recueil fut suffisamment intéressant pour mettre à mal l’image de la lesbienne comme étant de la classe moyenne, non utilisatrice de drogues, monogame et relativement à l’abri de la contamination du SIDA. Le LAP a reçu une subvention pour une période de 3 ans et A.H a débuté sa recherche d’une population qui est virtuellement invisible. La méthode était simple : approcher les organisations d’aide sociale, les systèmes d’aide publique et les centres communautaires dans l’idée qu’ils aident des lesbiennes. "Si vous définissez les programmes d’aide sociale et communautaires différemment, si vous estimez que des lesbiennes doivent s’y trouver, alors vous pouvez toucher cette population", explique-t’elle.

In less than three years of networking and community outreach, LAP had identified more than 400 HIV positive lesbians in New York City alone, and had a mailing list of more than 4,000 people, approximately half of whom are HIV positive. Although they are rarely discussed, this community of women—who are largely without regular medical providers, who are often struggling with addiction issues, who may be in prison or working as sex workers—are at growing risk and lack the resources they need to deal effectively with HIV.

En moins de 3 ans de mise en réseau et de recherches transversales, LAP a identifié plus de 400 lesbiennes séropositives dans la seule ville de New York, et a une mailing liste de plus de 4000 personnes, dont la moitié approximativement sont séropositives. Bien que ce soit rarement source de débat, cette communauté de femmes — qui sont de manière générale sans ressources médicales, qui souvent souffrent de problèmes d’addictions, qui peuvent être en prison ou qui travaillent en tant que travailleur-es du sexe — est une population à risque et manque des ressources pour pallier aux problèmes liés au SIDA.

With her candid sense of humor and generous laugh, Hollibaugh speaks of being poor and a prostitute, and posits that experiences like hers are not uncommon, even among feminists and lesbians. She says that resources, not actions, most starkly define experiences and risk—especially where HIV is concerned. "The more your life is impacted and the more you struggle to survive, the more you put yourself at risk. It’s not what you do—it’s not like middle-class women don’t do drugs. The difference is how much control you have to protect yourself," she says.

Avec son sens de l’humour et son rire généreux, A.H parle du fait d’être pauvre et prostituée, et affirme que son expérience n’est pas rare, même parmi les lesbiennes féministes. Elle dit que les informations, et non pas les actions, définissent l’expérience et les risques - surtout à propos du SIDA. "Plus vous êtes touchés dans votre vie, plus vous vous battez pour survivre, plus vous prenez des risques . Ce n’est pas ce que vous faites — ce n’est pas comme si les femmes de la classe moyenne ne prenaient pas de drogues. La différence est dans le contrôle que vous avez effectivement sur votre propre protection", dit-elle.

For Hollibaugh, beginning the Lesbian AIDS Project was "like coming home. It was very important to me that this group of women gain credibility, women who were not invited into the gay and lesbian movement," she says. In her activism, Hollibaugh helps legitimize women whose circumstances or economic necessities have led them to choices that are rarely vocalized. She reaches across lines of race, class and sexual expression to advocate for a messier, all-inclusive LGBT movement. In her writing as well is a brave refusal to shed any of her identities, to hide any of her choices, no matter how complex or contradictory they may seem. As she writes in her introduction, Hollibaugh’s dangerous desire is "to re-create a missing reality, a voice I knew but rarely heard spoken around me, a history I could scarcely find."

Pour A.H, commencer le projet LAP fut "comme arriver chez moi. C’était trés important pour moi que ces femmes gagnent en crédibilité, des femmes qui ne sont pas invitées dans le mouvement gay et lesbien". Dans son activisme, A.H aide à légitimer des femmes que les circonstances et les nécessités économiques ont réduit à faire des choix qui sont rarement vocalisés. Elle passe outre les lignes de races, de classes et d’expressions sexuelles afin de prôner un mouvement LGBT plus flou et "tout inclu". Dans ses écrits on retrouve cette propension à ne rien laisser dans l’ombre, aucune de ses identités, aucun de ses choix, quels que soient leurs complexités ou leur apparentes contradictions. Comme elle écrit dans son introduction, le dangereux désir d’A.H est de "re-créer une réalité manquante, une voix que j’ai connue mais que j’ai rarement entendu parler autour de moi, une histoire que je ne pourrais pas trouver."


On peut retrouver certains de ses écrits dans :
Femmes of Power. Exploding Queer Femininities
Del Lagrace Volcano (photos) & Ulrika Dahl (textes en anglais), Serpent’s Tail, 192 p.
A noter la participation de Pratibha Parmar, Wendy Delorme et Louise De Ville, Virginie Despentes, Amber Hollibaugh, Kaye Bornstein... Going beyond identity politics and the pleasures of plumage, Femmes of Power is a photographic tribute (in a dozen European and North American urban communities) to a diverse range of queerly feminine subjects whose powerful and intentional redress explodes the meaning of femme. The first book of its kind. See also Del Lagrace Volcano’s Drag King Book.
Prix 29.90 € ...
Critique : Kilden

Dangereux désirs > amazon

L'avis FFF:

Paru pour la première fois en 2009.

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5 messages
      • Sorry, j’ai essayé la manip "transformer le lien en hypertexte" mais sans succès, voici l’article d’illico.com :

        Paris : Fuck my brain, séminaire queer

        Marie-Hélène Bourcier dirige un passionnant séminaire queer à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales à Paris qui fait aussi l’objet de présentations au Palais de Tokyo comme ce 6 février avec "Sexe, Gore et Parasites" par Marika Moisseeff.
        Marika Moisseeff, psychiatre et ethnologue au Laboratoire d’anthropologie sociale au CNRS présentera une partie de ses travaux sur les processus de construction identitaire sur l’étude comparative des représentations du sexe et de la procréation et la science-fiction comme mythologie occidentale contemporaine sous le titre "Sexe, Gore et Parasites".

        La présentation a lieu le 6 février au Palais de Tokyo à 19 heures 30 (13, Avenue du Président Wilson - 75016 Paris).

        Le séminaire dirigé par Marie-Hélène Bourcier à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales à Paris se poursuit tout au long de l’année universitaire 2009 les 2ème et 4ème jeudis du mois de 19h00 à 21h00 (Amphi 1 - 105, Boulevard Raspail - 75006 Paris).

        Plus d’infos : http://fmybrain.org