Accueil du site > OUTILS > QUI JE SUIS

QUI JE SUIS

lundi 27 octobre 2008, par Sophie


Extrait de : "LA CHRONIQUE DE CHRISTINE ANGOT" parue dans TETU juin 2004.

(...)

"Je suis une fille donc je me plains, je suis hystérique c’est à dire que j’ai la maladie de l’insatisfaction. Je suis insatisfaite, je ne suis pas satisfaite. Je n’ai pas ce que je voudrais. Quelque chose me manque toujours. J’en parle beaucoup, et pourtant je ne le cherche pas vraiment, je fais juste semblant. Ce qui me manque c’est la satisfaction sexuelle. Je suis insatisfaisable. Et d’abord je dis toujours non.

L’autre jour dans un dîner, nous étions cinq autour d’une table. Quelqu’un me propose de reprendre des fraises. Je dis non. Et il me dit : de toute façon Christine, tu dis toujours non. Tu commences toujours par dire non. J’étais découverte, percée à jour. Quelqu’un que je connais trés peu avait dit de moi le principal. De tous les sujets qu’on avait abordés, il avait retenu le mot essentiel : non.
Et donc je suis insatisfaite. Parce que je trouve dommage de traverser la vie comme ça. Mais je suis un refus. Toute ma personne est un refus. Et ce que je refuse me manque. Et le fait de refuser m’enferme moi-même.

Aujourd’hui, il est beaucoup question du mariage des homosexuels. Dire oui à la personne du même sexe. Comme les hétérosexuels : oui. Pas oui au sexe opposé, mais oui quand même. Oui à la personne qui vous attire. Je me suis demandé parfois si j’étais homosexuelle, puisque je n’arrive pas à dire oui à un homme. (Je dis oui, mais je dis plutôt : oui mais.) Mais ce n’était pas le problême, être homosexuelle c’est être attirée par les filles, ce n’est pas avoir peur des garçons. Or moi, j’ai peur des garçons. Et depuis trés longtemps. Depuis bien avant d’avoir un inceste avec mon père. Je n’ai pas accepté ni refusé d’avoir un inceste avec mon père. Toute parole était vouée à l’échec, je suis devenue la parole elle-même, et comme cette parole était un refus, je suis devenue un refus. Dans la vie, je n’ai même pas besoin de dire non, tellement je suis un non.

Mais j’avais peur bien avant. Dans l’immeuble où j’habitais, entre 6 et 13 ans, je prenais l’escalier, j’habitais au septième étage, parce que j’avais peur de me retrouver avec des garçons dans l’ascenceur. Et aujourd’hui rien n’a changé, j’ai toujours peur. Peur de quoi, il faudrait que j’arrive à répondre à ça. C’est une peur irrationnelle, et qui a dû traverser plusieurs générations avant d’arriver jusqu’à moi.
Hier j’ai déjeuné avec ma mère, j’ai essayé de lui dire que cette peur m’avait été transmise, mais elle a fait celle qui n’était pas du tout concernée. Elle vit avec un homme depuis vingt ans, mais elle en a fait une femme, il n’y a pas que les homosexuels qui soient homosexuels. Et elle dépense beaucoup d’énergie pour que les gens de l’extérieur ne se rendent pas compte qu’elle en a fait une femme. Par exemple au restaurant elle tient beaucoup à ce que ce soit lui qui paye, elle lui susurre au moment de l’addition le code de la carte Bleue dans l’oreille. Mais quand le garçon arrive, il l’a oublié, alors il le demande devant le garçon. Tout le système échafaudé s’écroule."

(...)


J’ACHETE ! > alapage

ANGOT > litterature.net

ANGOT > en espanol

ANGOT > forum

TETUE > site

4 messages
  • Juste un bémol :

    Il est important de préciser que la peur du sexe opposé n’implique pas l’homosexualité, et que l’homosexualité n’est pas liée non plus au sexe opposé. Egalement, on peut être attiré tout en ayant peur du sexe opposé comme être attiré en ayant peur du même sexe.

    Généralement la peur attire l’attention du sujet, un questionnement concentré sur l’objet même de cette peur, plus encore quand la peur handicape, empêche d’aller vers l’autre quelque soit son genre, occultant la question même de l’objet de l’attirance, et dans ce cas, l’importance que prend la peur absorbe la manifestation du désir. Il est par conséquent difficile de clairement connaître et définir ses préférences sexuelles.

    De là à lier l’insatisfaction à l’hystérie, et l’hystérie au genre féminin, je me sens obligé de réagir en disant : "Voilà encore un raisonnement conventionnellement sexiste, pour ne par dire straight !"

    Ceci étant dit, faut-il préciser que les libertés de corps et d’esprit qui ne se limitent pas qu’au désir et à la satisfaction de quelque nature que ce soit, aussi l’expression de ces libertés, sont évidement conditionnées par l’éducation (cf par ex les divers réflexions à partir de Savoir, domination et sujet, Foucault). Comment peut-on alors prétendre que telle aptitude est proprement hystérique, et telle autre ...phallique ? zen ? psychiatrique ??? Quel sens faut-il donné au terme "hystérie" (gr : hyster, matrice, lié historiquement à l’utérus) ? Est-ce un pléonasme ancestralement sexiste de dire : vaginalement hystérique et phalliquement... équilibré, zen ?

    Enfin pour ce qui est de l’insatisfaction, du fait de "ne pas avoir ce qu’on voudrait", en dehors de l’incapacité même de pouvoir se satisfaire, de savoir ce qu’on veut ou ce qui peut réellement nous satisfaire, incapacité qui impliquerait une réflexion profonde sur soi, j’ai bien un avis personnel sur la question : la satisfaction est souvent de l’ordre du ressenti, de l’émotionnel, de l’accord avec soi, et d’une certaine compatibilité"alchimique". Car même s’il est des combats éternels et des satisfactions utopiques, tout porte à croire qu’intimement, lorsque l’on est avec la "bonne" personne, qu’elle soit d’un genre opposé ou non, toutes ces petites choses qui semblent nous procurer insatisfaction, prennent sensiblement beaucoup moins d’importance.

    Après tout, on ne peut tout avoir.

    La vraie question est : finalement qu’est-ce qu’on veut ?

    • Tu pourrais dire : "Christine, que veux-tu ?" , et je crois que tu serais à la fois trés prés et trés loin d’une réponse cohérente...Sacré Christine, elle arrive toujours à faire couler plein d’encre !

      • Evidemment et heureusement !

        En effet j’aurais plus le dire. Mais ce « que veux-tu ? » devait-il s’adresser à Christine. Je n’insulterais pas son intelligence en lui faisant quelque leçon, qu’elle soit de cohérence dont chacun est gardien pour son compte, ou littéraire.

        Ressortir une telle archive avait-il une fin purement pédagogique ? J’en doute. Mais la toile n’étant pas un moyen de communication confidentiel, tout ce qui y paraît est susceptible d’être lu par n’importe qui, déplorant qu’elle puisse être (re)lue par ceux dont ces propos peuvent alimenter la phallique hystérie, comme par ceux qui traversant une situation tout ou en partie similaire, n’en pourraient pas être plus avancés, voire égarés, ce qui est pire et contre ma religion.

        Distinguer ce qui est raconté, de ce qui est pensé, vécu, et interprété, n’empêche pas d’être... intéressée par le verbe, et l’ironie palpable à la lecture du portait de “belle-maman” !
        Et fort heureusement, notre belle République laisse libre l’expression, le choix d’en user, et ce site aussi. Alors la jouissance du droit de réponse qu’elle fut comprise ou non, est aussi satisaisante que deux bien placés.

        Aussi, je me propose, si le besoin devait encore se faire sentir, de partager une maîtrise autre que rhétorique, dans la perspective où le ruissellement de ma police ne devait pas atteindre la profondeur espérée.

        Bien que détestant viscéralement ce prénom, je peux bien me sacrifier pour le bien et la paix de cette Christine-là !