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p.5 à p.7.
"Une conversation de bistro lors d’un colloque de philosophie me valut ce jugement quelque peu sans appel de la part d’une femme philosophe : "Quelle drôle d’idée" de vouloir penser "la différence des sexes" ! Or une drôle d’idée n’est justement pas une idée : la différence des sexes ne se rencontre sans doute pas au ciel des objets philosophiques. Une drôle d’idée cache une intention, quelque bizarrerie peu compatible avec le travail exigeant et lucide de la pensée.
Le pari est alors risqué : ni la tradition philosophique, ni les contemporains n’ont une représentation ouverte du champ philosophique. Les idées sont répertoriées. La drôle d’idée est une idée hétérogène ou hétérodoxe. Pour qu’elle soit prise en considération, il faut donc lui donner son champ, et pour ce faire proposer une méthode. Réfléchir aux conditions d’une connaissance possible, voir ce qui se démontre et ce qui se théorise de la différence des sexes, ce qui peut faire philosophème.
Toujours dans la même conversation de bistro, quelqu’un, un homme cette fois, remarqua que "les femmes" étaient un sujet à la mode. Certes, les femmes et la mode entretiennent un lien privilégié, quasi un lien intrinsèque. La femme et le vêtement, la femme et l’apparence s’associent avec évidence. De là à ne voir qu’un effet médiatique dans l’intérêt porté à la "question des femmes", il n’y a qu’un pas que les détenteurs de la pensée franchissent aisément. Concluons que tel est le lot des femmes, d’être hors champ conceptuel d’un côté, et sous les feux de la représentation imaginaire, fut-ce ceux de la mode, de l’autre. Au mieux servent-elles la représentation symbolique, image de pierre illustrant les idées de justice ou de vérité ou emblème républicain avec la Marianne par exemple. Hors concept et dans la représentation, les femmes ont une place donnée dans la connaissance. Il faut partir de là.
Avant donc de proposer les moyens d’une réflexion philosophique sur la différence des sexes, il faut explorer l’espace donné à la connaissance des femmes, espace de l’image et de la représentation.
"Les femmes sont à la mode" s’entend au sens propre comme au sens figuré. Déjà les femmes sont l’objet de la mode. Et comme objets à la mode, on entendra aussi bien le fait d’être bien aimées des médias, thème privilégié pour faire vendre aux yeux du "vrai" philosophe une philosophie de quatre sous, que le fait que de toute façon les femmes sont objets de mode, de l’apparence comme du commerce.
Si les femmes appartiennent au registre de la mode, le constat de leur empiricité infrathéorique se vérifie ; elles sont ainsi renvoyées à l’espace d’où elles n’auraient jamais dû sortir, l’espace de la beauté, de l’ornement, de la parure. Lieu de l’apparence, lieu où il n’est pas d’usage de chercher la vérité. Et si les femmes sont objet de commerce, c’est qu’elles sont là comme ailleurs un objet d’échange. On verra plus loin sous quelle forme la philosophie utilise les femmes."
"Consentante : ne se dit guère que des femmes" ou Geneviève et le consentement > en vidéo
Geneviève Fraisse par elle-même
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