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Femmes à suivre (2) : AGNES VANNOUVONG, une universitaire hors normes.

samedi 23 octobre 2010, par C.Line

Une tête chercheuse sur la piste d’un poète de la subversion.


Docteur ès Lettres de l’université Paris VIII, Agnès Vannouvong est spécialiste de l’œuvre de Jean Genet. Elle a coédité Toutes les images du langage, Jean Genet (Schema Editore, 2008) et a publié un essai Jean Genet, les revers du genre, (sujet de sa thèse) aux Presses du Réel en 2010. Ses domaines de recherche concernent la représentation du corps, de la sexualité et du genre dans les arts et la littérature du XXème et XXIème siècles. A l’aune de ces thèmes de réflexion, elle élabore une pensée complexe, cohérente, déclinée en multiples productions littéraires. Co-directrice d’une compagnie de théâtre, enseignante des Etudes sur le Genre, journaliste, Agnès se connecte au monde de l’art contemporain pour enrichir ses travaux universitaires, se détachant de la figure traditionnelle du chercheur isolé au discours emphatique d’un académisme hermétique. Dans cette volonté de participation active à la vie de la cité, elle collabore à de nombreuses revues de littérature et d’art (Art press, Verso, Mouvement) et au journal féministe et militant Causette. Articles, entretiens, interviews, Agnès Vannouvong écrit avec brio sur des artistes féminines aussi diverses que Dana Wyse, Orlan, Agnès Varda, Julie Depardieu, Catherine Robbe-Grillet, Antoinette Fouque...

Curieuse des femmes et de leurs désirs, elle entreprend parallèlement la rédaction d’un roman lesbien moderne.

Extrait de l’interview fascinante de Catherine Robbe-Grillet sur le SM.

Critique de l’exposition :" Orlan : Unions mixtes, mariages libres et noces barbares".

Critique de l’exposition et entretien avec la cinéaste : "Agnès Varda : rétrospective".

En ce centième anniversaire de la naissance de Jean Genet, elle organise le colloque intitulé Jean Genet et les Arts, qui se déroulera à l’Ecole Normale Supérieure et à l’Institut du Monde Arabe, les 3 et 4 novembre prochains.

Mort en 1986, Jean Genet, écrivain à la réputation scandaleuse, mauvais garçon des lettres françaises, dramaturge des turpitudes humaines, poète des désaxés, exalte, dans une œuvre protéiforme au style lyrique et raffiné, la beauté fascinante des marginaux ; homosexuels, voleurs, travestis.

Dans Jean Genet, les revers du genre, Agnès relit Genet à la lumière des théories contemporaines sur le genre (gender studies et queer studies), sous l’égide de la postféministe Judith Butler et du philosophe Michel Foucault. Dans un style clair et accessible, elle examine comment l’auteur met en scène une poétique de l’ambiguïté à travers un polymorphisme sexuel. Au plan de la représentation, le dramaturge, à travers des figures travesties et androgynes, produit du jeu et de l’écart identitaire dans sa construction de l’image sexuée. Cette esthétique polysexuée exhibe la circulation des identités sexuelles, sociales et imaginaires, en truquant les signes et en piégeant l’identification visuelle. Genet fait et défait les genres. La mouvance des identités sexuelles crée un flottement stylistique et donne à cet univers une dimension queer ou « tordue ».

Cette œuvre transgressive, inclassable, dérange car elle parle de l’humain, de la fluence des identités qui déstabilise les repères, de l’énergie pulsionnelle qui s’incarne dans un objet de désir qui peut être féminin, masculin ou relevant d’un troisième genre. Genet s’écarte de la norme hétérosexuelle dominante que Monique Wittig nomme « la Pensée Straight ».

"D’ailleurs, je fais l’hypothèse provocatrice d’un Genet lesbien, dans le chapitre « C’est in d’être lesbienne, c’est mode, c’est snob », clin d’œil à Monique Wittig. L’homosexualité féminine est un thème, voire une sensibilité érotique et esthétique à travers laquelle Genet fantasme une certaine forme de masculin, ce qui n’est pas sans troubler les repères."

Agnès Vannouvong, extrait d’une interview pour Têtu.

Par exemple, dans les Bonnes (dont l’intrigue renvoie au crime des sœurs Papin), si l’identité des deux femmes est filiative à travers le lien sororal, elle est surtout sexuelle : « leur œil est pur, très pur, puisque tous les soirs, elles se masturbent et déchargent en vrac, l’une dans l’autre, leur haine de Madame. » Agnès analyse l’ambiguïté de l’usage du verbe « décharger », qui, au-delà de son sens initial, « se libérer de », se réfère à l’éjaculation masculine. Son emploi illustre ce brouillage des référents sexuels qui caractérise les écrits de Genet, dont le vocabulaire virilise le féminin, "hystérise" le masculin.

Programme du colloque Jean Genet et les Arts :

3 et 4 novembre 2010. Entrée libre.

La première partie, qui se tiendra à l’École normale supérieure, invitera à réfléchir au rapport que l’œuvre de Genet cultive avec les différents arts (littérature, théâtre, peinture, sculpture, dessin, cinéma, cirque, etc.). La seconde partie, organisée à l’Institut du monde arabe, dans le cadre des “jeudis de l’IMA”, offrira un prolongement artistique en faisant dialoguer, de façon transversale, des écrivains (René de Ceccatty, Gilles Leroy...) et des metteurs en scène contemporains (Alfredo Arias, Antoine Bourseiller,...) unis par des affinités genétiennes. Le colloque se clôturera par une lecture-dirigée réalisée par des comédiens (Michel Fau, Manuel Blanc,...).

Ecole Normale Supérieure (salle Dussane) 45, rue d’Ulm 75 005 Paris

Institut du monde arabe (salle du Haut Conseil, 9e étage) 1, rue des Fossés Saint- Bernard 75005 Paris.

Programme complet du colloque :

http://www.fabula.org/actualites/article39525.php