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DUR D’AIMER UNE HÉTÉRO !

mardi 11 février 2014, par Sophie

C’était à une époque où les lesbiennes était une espèce tellement rare qu’on n’en entendait jamais parler, sauf à des émissions spécialisées bien après 23h...


Alors parler de ses relations sexuelles avec une personne du même sexe que vous dans un journal quotidien ???!!! Tout simplement impensable. Pourtant c’est ce qu’a fait une lectrice de Libération tout au long de l’année 1986 et peut-être un peu avant et un peu après, je ne m’en souviens plus bien. Elle écrivait très régulièrement dans le courrier des lecteurs et ses apparitions étaient toujours comme un vrai grand bol d’air frais dans la presse et la vie en général.
On avait beau être à Paris, il n’y avait qu’une boite pour lesbiennes digne d’être fréquentée (le Baby-doll). Il n’y avait pas d’émissions de radio, pas de films, pas d’émissions de télé (sauf celles qui abordaient "le douloureux problème" de l’homosexualité), pas de magazines...bref, c’était le désert...
Remember :

"SISTER D’ISTRES
Istres, 6.11.86. Elle aurait pu être la fille idéale, au moins pour enterrer la Féline, et c’est ce que j’ai cru. Frôlements, regards, yeux verts.
Cheveux lumière, ou comment craquer pour la plus belle fille du coin. Tout s’est passé trés vite. On avait projeté une monumentale cuite à deux. Malibu pour moi, Tequila pour elle à cause d’Anglade dans 37°2. Beaucoup parlé. Elle adorait Birkin, ça a suffi pour que je fonde. Puis elle m’a proposé d’aller voir Tchao Pantin sur sa vidéo. Sur le canapé, ma tête a vite glissé contre son épaule, et au moment où on s’est embrassé, j’ai bêtement pensé : "c’est aussi simple que ça ?".
Et puis le double langage, apprendre à se cacher et à faire parler les yeux. Ça a duré quelques semaines. J’étais béate. Elle, c’était dur de savoir. Et cette pudeur du "tu tiens un peu à moi ?" au lieu d’un bête "tu m’aimes ?". Ensuite les vacances de la Toussaint. Dur sans elle. En revenant j’étais flageolante à l’idée de la revoir.Rendez-vous chez moi. La maison, déserte depuis une semaine, était glaciale, un vrai tombeau. J’ai chauffé ma chambre, ouvert les volets, mis une cassette de Big Country dans le magnétophone et attendu.

Elle frappe à la porte alors que je commençais à désespérer, assise, gelée dans le noir en regardant à la télé Becker achever Leconte. J’ai ouvert la porte. Une fraction de seconde de raideur. En trop. Elle ne m’a pas embrassé tout de suite. J’ai bafouillé deux-trois mots et elle a dit "on fait du thé ?" et je suis allée faire du thé. Face à face devant nos lapsang, moi plus crispée que nature parce que le thé me fait gargouiller l’estomac. Et puis boum, c’est tombé, son mec qui la largue, elle qu’est pas sûre d’elle, qui en a marre de la maigrichonne demi-heure quotidienne et du camouflage. Elle semble vouloir que je termine sa phrase et c’est ce que je fais : "Tu veux dire que pour toi c’est fini ?" Et elle me dit oui. Quand elle est partie, j’ai regardé le carrelage noir et blanc et je me suis agrippée au mur, rien de plus qu’un pion merdique sur un échiquier truqué. Exit. Sister Junkie."

L'avis FFF:

Sister Junkie forever ! Même des années après, quelques lignes et oooh que du bonheur !

J’avais retrouvé cet extrait du courrier des lecteurs découpé et précieusement archivé en 2009. A l’occasion des 7 ans de Foleffet, je le remets en première page.

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