Extrait de " ::Journée vie 1 ::", de la rubrique "Fictions" du site : Femmes au volant. On ne sait pas qui écrit vraiment.
"REVEIL-HYPOTHESE 3
Putain de rêve, ça te bouffe les neurones et le matin t’es
comme une pomme à te demander si c’est prémonitoire ou pas. Elle ouvre
un oeil, puis deux, s’étire et se tâte perplexe le corps : elle a des
cheveux dans les yeux mais ce ne sont pas les siens, elle a un sein
dans la main gauche mais ce n’est pas le sien. Elle a aussi une sévère
gueule de bois, la bouche pâteuse, les muscles contractés, la tête dans
un étau, l’estomac dans la tête dans l’étau. Il lui faut bien 30
secondes avant de remarquer ce qu’elle tient dans la main, elle
sursaute, coup au cœur, il y a quelque chose qui cloche, est-ce que
j’aurais trois seins, je sens bien que je touche un sein mais mes seins
ne se sentent pas touchés, donc ce n’est pas mon sein, et même pas un
troisième qui aurait surgi pendant la nuit, à moins que ce ne soit pas
un sein mais la tête de Bobi, elle se retourne pour vérifier. Il y a
une femme dans son lit, elle a un mouvement de recul, elle lâche le
sein, un instant le monde vacille. La fille lui sourit. Rapide coup
d’œil : de très longs cheveux noirs, des seins blancs en forme de
pomme, très fermes, des jambes sans fin, une taille parfaite, le ventre
plat, des yeux noirs, des cils noirs, une bombe, cette femme dans mon
lit est une bombe sexuelle.*
Reprenons : il y a eu cette fête hier soir, juste avant elle avait eu
une mauvaise discussion au téléphone avec un homme, un homme très
proche, celui avec qui elle couche, mais qui est très loin, et le
téléphone cette saloperie ; elle était partie déprimée à cette fête,
elle avait décidé de boire et d’être disponible...
Après elle se souvient vaguement, vodka tonic, vodka pomme, vodka
orange, la piste de danse, une fille très belle dans une robe rouge
avec des chaussures jaunes, il fallait oser mais de fait elle était
très belle, surtout elle avait cette manière de danser qui fait onduler
tout le corps, de haut en bas, en traçant des paraboles et des
hyperboles ; elle était irrésistible, elle la regardait avec tellement
de douceur. Elle avait envie de se mettre dans ses bras. Elle est
hétérosexuelle, c’est entendu, elle n’envisage pas de coucher avec une
fille, ça la dégoûterait presque, mais elle ne s’interdit pas de les
trouver désirables, en fait elle les trouve désirables, elle tombe sous
leur charme, elle les trouve hyper séduisantes, elle ne serait pas
contre quelques mains passées dans les cheveux, quelques baisers volés
- sans la langue -. Mais coucher non. Elle se dit aussi qu’être de
gauche c’est ne pas insulter le possible, c’est donc autoriser que tout
puisse arriver, donner son autorisation à tout, même aux femmes. Elle
s’était souvent interrogée, est-ce un devoir de coucher au moins une
fois dans ta vie avec une fille ? Pour savoir, pour élargir le champ de
l’expérience, pour ne pas mourir coincée. Elles sont toutes les deux
assises dans le lit, nues, elle ne se souvient plus jusqu’où elles sont
allées, elle ne sait même pas si elle lui a fait un cuni. Merde, si je
n’avais pas autant bu je me souviendrais de tout, en même temps si je
n’avais pas autant bu je ne l’aurais jamais ramenée, et je n’aurais pas
mis la langue. Vu son air ravi j’ai dû mettre la langue. Il faut
qu’elle lui parle, elle ne sait pas comment, elle voit bien que l’autre
attend, elle a l’air intelligente, elle doit savoir que tout ça est
assez inattendu. « Ça va, bien dormi ? écoute je crois que c’est la
première fois que je me réveille à côté d’une femme, je ne me souviens
de rien, qu’est ce qu’on a fait, j’ai été bien ? je ne sais pas comment
on fait avec les femmes, et toi t’es goudou ? je suis un peu mal à
l’aise là, mais en même temps je te trouve magnifique, mais tu sais je
suis une habituée de la pénétration, tu vois ce que je veux dire ;
merde je dis n’importe quoi ». « Je vois ce que tu veux dire, tu as été
très bien, je te laisse mon numéro de téléphone, tu peux m’appeler un
jour, dans très longtemps si tu veux, il faudra essayer à jeun mais je
ne sais pas si tu pourras avec autant d’ardeur ». Elles s’embrassent,
la jolie fille se lève, se rhabille, a l’air de s’en aller mais revient
vers le lit en se déshabillant. A nouveau toutes les deux couchées côte
à côte, bien parallèles, regards fixes vers le plafond. On a 7 minutes
chacune pour se raconter nos vies, sans blanc, sans pause, sans
interruption : famille, classe sociale, sexualité, projets d’avenir et
rapport à la maternité. Ça les fait rire, elles vont bientôt être
copines, elles aiment le même genre d’hommes, petit maigre avec la
lèvre inférieure pincée. Elles prennent un café au lit en zappant sur
MTV, le téléphone sonne, c’est lui, il veut s’excuser, il regrette la
conversation d’hier, « t’es toute seule ? t’as pas l’air toute seule,
t’as une voix de fille accompagnée ». La bombe se lève, cette fois-ci
pour de bon, signe de la main, baiser dans le vide, elle sort à tâtons
mais claque la porte. « J’étais avec une nouvelle amie mais elle vient
de partir ; à ton avis coucher avec une fille c’est pas tromper ? c’est
comme sucer ? » ; « tu me proposes un plan à trois ? » ; « qu’est ce
que c’est que ce macho phallocentré ? tu peux te la mettre en
bandoulière, la fille je me la garde ». Elle raccroche, rassérénée,
conquérante ; elle a terriblement envie d’un corps d’homme, seul un
corps de femme peut donner une envie pareille - c’est ce qu’elle se
dit.
*C’est moi qui surligne...
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