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"Raus ! qu’il gueule si fort que les chevaux d’arrière en sautent sur leurs fers.
Raus merdaille !
Comme il ne se passe rien, il envoie dedans l’église une lance d’un empan qu’on entend planter dans l’autel. Elle vibre encor quand s’élève par dessous la troupe un rire très aigre, tremblant, un rire de vieillarde semblant sortir d’une caverne profonde. Et tous de se retourner sans voir. Le rire résonne sur la place, ricoche sur la face des rues, se meurt et reprend dans un silence de glace. Puis parle, puis crie - Bastard, tu finiras cousu dans un sac de merde avalé par une Aube écumante, maudit de tous, trahi du diable ! Bourbon ! par les ourses de ta mère la putain, cousu, tu finiras cousu ! et reprend déchirant les oreilles. Jusqu’à ce que le Muet jette quelque chose dans le puits.
Bouvier d’étrons, qu’avez-vous tous à trembler ainsi ?une vieille rate n’a qu’à ouvrir la gueule pour vous esboyer ? Le bastard furieux tourne sur lui-même en menaçant chacun de sa lame. Qui tremble pour un dit de sorcière escrabouillée ? Périgot ? Rudel ? Toi, Jolibois ? Personne. D’un geste il envoie six lieutenants dans l’église.
On entend un brief gargouil, le bruict des bancs qui s’entrechoquent, des crix de mort le temps de vider un verre puis la paix retombe sur la terre. Avec elle la lance d’un empan qui vient ficher aux pieds de Bourbon, perçant trois toises de terre gelée. La troupe recule, nenni le bastard.
Avant qu’aucune volunté ne bouge, au seuil de St Jehan apparaist dans la lumière du jour un pied pris dans une chausse blanche et fourchue. Petit. Un aultre mêmement vestu. Puis le bas d’une tunique longue, puis à taille une courte ceinture d’or, puis sous la tunique une paire de tétins assez platz mais tétins féminins sans conteste puis longs cheveux noirs puis le visaige lisse d’un démon jaune.
En cet instant, moi, Denysot-le-clerc dit le Hachis, quasi moyne par destin, beau débrideur de boyte, bien à dextre, hardi et peu enclin aux crédances diaboliques ni bondieusetés, je me sens les poils se dresser par tout le corps.
La démone, debout dans la lumière hivernale, ne frissonne ni d’en haut ni d’en bas. Elle tient en main une hallebarde au fer rutilant, garnie en garde d’une étoupe rousse comme queue de goupil. La troupe en baye. Le bastard n’a pas relâché sa mâchoire mais sa main a frémi sur sa dague. Il tape son bouclier du plat, la troupe débaye. Les archers arment et tirent au second coup, à l’unisson. Trois cents flèches volent vers la démone. Immobile, ne fuyant, ne mouvant ni pied, ni bras, ni cil, elle semble attendre infiniment la volée morteuse. Mais à son heure, au juste terme d’être percée de toutes parts, elle s’élance, sa hallebarde s’élève et tourne en moulin fol, par en bas, par le ciel, par l’horizon. Les traits bondissent en retour, filent à l’envers à rebours, éclatent sur son arme, dégringolent à ses pieds. Par trois sauts enroulés en l’air, déroulés en l’air, repris à l’est et à l’ouest, elle fait place nette de la nuée de trois cents flèches. Je l’ai vu."
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INTERVIEW de l’auteure > evene