dimanche 26 septembre 2010
Depuis qu’elle a coupé ses cheveux blonds et remisé aux placard rubans et ballerines vernies, depuis qu’elle s’habille en parfait petit gentleman et porte avec une classe indéniable petits blousons, bermudas et costumes rayés, Shiloh déchaîne les passions outre Atlantique. Shiloh, c’est la fille « biologique » de Brad et Angie, l’enfant catapultée -contre quelques millions de dollars- en une de People quelques heures après sa naissance. A quatre ans, l’enfant star s’est achetée une épée de bois aussi grande qu’elle et protège sa mère des photographes. De l’aveu d’Angie, elle pense être un garçon, être un de ses frères. Elle demande à ses parents qu’ils l’appellent John.
Sur les blogs et dans la presse, c’est le tollé : « Je sais que c’est la crise, mais Angie a-t-elle vraiment besoin d’habiller Shiloh avec les fringues de ses frères ? », s’interroge, perfide, le styliste Gili Rashal-Niv. « Espérons que nous ne verrons pas Madox en robe ». Shiloh montre-t-elle les signes avant-coureurs d’un individu transgenre ? Jusqu’à quel âge peut-on sans risques laisser une petit fille s’habiller en garçon ? Voilà quelques unes des réflexions qui vous sauteront à la figure si vous tapez le nom de la gamine sur Google. Shiloh ou l’anti-Suri Cruise (qui porte, elle, des talons comme maman depuis ses trois ans). Shiloh ou la preuve de ce qu’on encourt comme sanction, quand on ose encore en 2010, s’écarter des normes dominantes et afficher une identité de genre un poil différente. « Shiloh a été photographiée portant un maillot de bain de garçon ! La famille Pitt a-t-elle raison de laisser faire ? Elle est vraiment trop garçon manqué ». Garçon manqué. Quelle horrible expression, d’une violence sidérante.
J’ai huit ans. Je suis à Hendaye sur la côte basque avec ma grand mère, au bazar de la plage. La vendeuse déploie des efforts infinis pour me faire essayer des bikinis. Je fronce les sourcils et baisse la tête pour signifier mon refus, en regardant mes espadrilles. Je tiens ma grand mère par la main. Et puis, la serrant plus fort, je me lance, à voix basse : « Celui-là mamie, celui-là ». C’est un short aux motifs hawaïens orangés et à la couture blanche. Il est canon. « Celui-là ma chérie ? », ma grand mère se penche vers moi. Je hoche la tête. « Celui-là, s’il vous plait ». « Mais c’est un modèle de garçon », fait remarquer la vendeuse avant de se résoudre à descendre le sésame. Je file dans la cabine. Quand je l’essaie, et que je regarde mon buste plat, mes cheveux courts, je ressens une joie incommensurable, un sentiment de perfection. Je file à la plage, je cours sur le sable vers la fille de 16 ans, responsable du groupe de danse de ma cousine à qui j’ai tellement envie de plaire. "Ouah, mais tu as un maillot de surfeur !" me dit-elle alors que je cours en cercles autour d’elle. Je rosis de plaisir. Shiloh walks with me.
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