Le corset a une très longue histoire. Il apparut en 1700 avant JC et il n’a pas complètement disparu des figures de mode, version haute-couture ou tendance coquine. Longs ou courts, prenant les hanches ou s’arrêtant à la taille, enserrant les deux seins ou les séparant, avec ou sans baleine verticale pour rigidifier la colonne, on dut longtemps être aidé pour l’enfiler et le lacer, avant de pouvoir l’ajuster seule. Il a donné lieu à des kyrielles d’articles pour ou contre, des manifestations, des articles de médecins mettant en avant le fait qu’il fut longtemps dangereux pour la santé.
La guerre de 14-18, en obligeant les femmes à prendre la place des hommes à leurs postes de travail, permit l’abandon des corsets qui entravaient les mouvements. Les années 20 et la mode "garçonne" finit de l’achever pour le plus grand nombre, mais il continua sa vie underground dans la haute-couture et la lingerie fine à tendance érotique.
Quelle que soit l’époque, le corset a toujours eu comme but de modifier la silhouette, la contraindre selon des lignes approuvées par les canons de la mode. Bien que dissimulé, il transparaissait sous les lourds atours des femmes, il était aussi marqueur social. Son port obligeait les femmes à surveiller leur alimentation, modifiait leur anatomie, entrainait des pertes de connaissance, des maux de dos.
Si l’accessoire a disparu, les conséquences liées aux canons de la mode subsistent. Qui d’entre nous peut objectivement se vanter d’échapper aux règles mises en avant par la société de consommation en matière de vêtements, de poids, de couleur, de taille ...? Qui échappe au régime pré-vacances d’été ? Qui ne culpabilise pas en mangeant une part supplémentaire de gâteau ? D’après les tabloids, on se rêverait toutes en taille 36 ou 40 alors que la moyenne nationale est le 44.
C’est certainement dans cet espace entre nos fantasmes et la réalité, que s’est engouffré Uniqlo, la marque fashion pas chère. Elle annonce la sortie pour le mois de mai - vous savez, le "joli" mois de mai - de combinaisons qui ressemblent de près à des corsets. Elles affichent d’ailleurs leur rôle en en-tête :
"Maintien de la silhouette", "soutien du dos", "taille affinée". Autant de caractéristiques communes avec le port du corset. Si on se penche un peu plus sur les caracos proposés à des prix très bas pour des sous-vêtements, donc accessibles à toutes, on découvre de plus grandes similitudes encore.
La mode nous promet d’être "maintenue", "redessinée", "affinée" pour 9,90euros. Nos bras "apparaitront plus fermes et plus minces". Un jeu de mailles tissées rapprochent les seins, les remontent et les arrondissent. Le "maintien" du dos est assuré par deux tissages croisés, style lanières de sac à dos, afin que celle qui le porte soit obligée de redresser le haut du corps, un peu vers l’arrière, mettant en avant sa poitrine. Dans le bas du dos, un maillage serré oblige l’utilisatrice à se cambrer, si elle ne veut pas se sentir gênée par la pression sur les reins.
Le bas du ventre se doit d’être plat. Exit les femmes d’un certain âge, enceintes ou négligentes avec leur régime alimentaire. Nous sommes ici à fond dans un formatage des femmes à l’occidentale : taille haute, cuisses et fesses fines avec un "pli central permettant de mettre en valeur les formes".
Il faut donc se faire à nouveau, encore et toujours une raison : "beauté" rime avec maigreur, féminité, disponibilité, docilité pour les créateurs de mode.
Que faire ? Reprendre du gâteau, aimer les formes généreuses et re-bruler nos soutien-gorges !