LA MANIF

mercredi 17 octobre 2012, par Sophie

Lundi nous étions à la manifestation de soutien aux victimes de viol.


Le rendez-vous était à 18h30 place Vendôme devant le ministère de la justice. Surprise, en arrivant aux abords de la très chic place, impossible de passer. Un CRS tout caparaçonné nous demande "C’est pour la manif ?" ??? On invente un rendez-vous au pied de la colonne, sans succès ; "Suivez les pancartes ! C’est gauche puis deux fois gauche !" Non, ce n’était pas ironique.

On prend la suite d’un petit cortège un peu maigre qui s’étire vers ce mystérieux "deux fois gauche". Une maire, écharpe en bandoulière marche d’un pas assuré. On essaye de ne pas perdre les petites pancartes de vue et on débouche enfin à l’angle de la rue de la paix et de la rue de la place Vendôme sur un petit attroupement.

 

 

Les quelques personnes présentes ont déjà entamé les discours dans un mégaphone poussif, on inspecte les lieux. L’accès à la place est fermé par des barrières derrière lesquelles une ligne de CRS stationne. Des policiers en uniforme se promènent avec des talkies à fond, on surprend les conversations de ceux en civil, on se dit qu’ils ont prévu que ça chauffe dur.

 

 

La puissance du mégaphone n’augmente pas alors que le nombre de manifestantes ne cesse de grossir. On est là, on ne bouge plus, on tend l’oreille.

 

 

On repère les différentes associations ayant fait le déplacement, les mythiques, les jeunes, les politiques, les récentes, les médiatiques. Les générations se mélangent, femmes, hommes, jeunes étudiants côtoyant les vieilles activistes.

 

 

Quelques stars sont là. Caroline Fourest, Dominique Voynet, Corinne Masiero, Caroline Loeb, quelques membres d’Anatomie Bousculaire...

 

 

Les voix se succèdent au mégaphone. Il faut se rapprocher pour entendre. Une délégation est autorisée à présenter les revendications à la ministre. En attendant, on entonne d’abord timidement puis de plus en plus fort quelques slogans et chansons.

 

 

La foule scande, siffle, hue. Les militantes chevronnées relayent les slogans et on se passe la parole d’un côté à l’autre de ce coin de rue peu habitué à autant de tapage.

 

 

Nina, une des victimes du procès, prend la parole, les larmes dans la voix. Elle nous remercie d’être là, de la soutenir.

 

 

La Barbe s’organise et ses militantes prennent position en regard du cordon de CRS, un scotch sur la bouche, un gant de boxe à la main.

 

 

Osez le féminisme dégaine un autre mégaphone et tente de faire entendre les 75000 viols par an de femmes en France. Ce à quoi une voisine ajoutera "oui mais il faut ajouter 75000 de plus si on compte les mineures". On a soudain froid dans le dos.

 

 

On s’allonge sur le bitume pour le die-in en mémoire de ces 75000 inconnues. La télé filme, on espère que ce sera relayé.

 

 

Une heure et demie plus tard, on ne sait toujours pas ce qui est advenu de la délégation, les slogans s’essoufflent mais la mobilisation est toujours là.

 

 

Rue de la Paix (!), I-télé est installé, prêt à relayer les images, diffusées le soir même dans leurs éditions de la nuit. On y apprendra qu’on était "400 féministes en colère", ce qui est pas mal du tout.

 

 

Le lendemain, on apprendra que les Femen sont passées à l’action, ont tenté de forcer l’entrée du ministère au petit matin, mais ont été rejetées par les CRS "avec leurs boucliers pour ne pas les toucher" (20 minutes).

 

Fallait-il faire plus que cette manif de lundi ? Ce style d’action est-il dépassé ? Doit-on forcément en passer par des actions coups de poing qui plaisent tant aux médias ?
On espère avoir été entendue, on enrage de ce procès honteux, on hallucine d’en être encore là en 2012 mais la parole de Nina a suffi pour se dire qu’on n’était pas là en vain.