" Rappeler le féminisme au bon souvenir de ce vieux pays machiste. Avant de se dégonfler comme une baudruche, l’affaire DSK aura eu ce mérite. Après des années à végéter dans le purgatoire des arrières-gardes - "Je ne suis pas féministe, mais..." - la lutte pour le droit des femmes a soudain retrouvé les grâces de l’actualité. La ringardise a changé de camp. Sacré coup de vieux pour les misogynes de tout poil, qui fantasment les féministes en goules velues et vengeresses. Fin juin, Le Parisien citait en une Laurence Parisot :"Le sexisme est un racisme". La patronne du Medef en tête de file spirituelle d’Olympe de Gouges ? Puisqu’on vous dit que ça bouge.
Depuis le vote de la loi sur la parité en 2000, on les avait perdues de vue, les retrouvant divisées à l’occasion de débats de société souvent montés en épingle. Et puis il y eut, dans les jours suivant l’arrestation de DSK, ce concours de saillies sexistes remporté par Jean-François Kahn avec son célèbre "troussage de domestique" ; de quoi faire pousser des griffes au moins radicales des féministes. Les voilà donc (presque) solidaires, et en ordre de bataille. (...)
"On aurait tort, pourtant, de se réjouir trop vite. "Le mythe-de-l’égalité-déjà-là", selon la chercheuse Christine Delphy, continue de faire des ravages. "On est encore au milieu du gué, résume Isabelle Germain. Sous prétexte que les afghanes sont plus à plaindre, on devrait se contenter de la place qu’on nous laisse !" A mix-cité aussi, on modère son enthousiasme :"En quinze ans, ironise Agnès Guérin-Battisti, on a obtenu la loi sur le nom de famille [1] et onze jours de congé paternité... Avec la réforme des retraites, qui pénalise les femmes et la fermeture massive des centres IVG, Sarkozy a fait régresser nos droits. Et ce ne sont pas les décevantes propositions du PS en la matière qui nous rendront optimistes..." A Saint-Denis, où l’association Voix d’elles rebelles a pris ses quartiers en 1995, Sarah Oussekine, la présidente, dresse un bilan amer. "De plus en plus de femmes en difficulté viennent nous demander de l’aide. Or, le nombre de places en foyer diminue et nos subventions baissent." Sauvée de la dépression par la lecture du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, elle croit au travail de terrain, auprès de celles "qui n’ont aucune idée de ce que le féminisme veut dire." (...)
Mathilde Blottière
Télérama n° 3210
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Rosie, tu vas revenir plus vite que tu ne pensais, tu vas voir !