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ENTRETIEN AVEC EMILIE JOUVET.

vendredi 5 juin 2009, par cha

Petite voix mais grande gueule, c’est comme ça qu’elle se définit et aussi pour ça qu’on l’apprécie.

Artiste photographe et réalisatrice, féministe engagée, Emilie Jouvet s’est fait sa place, depuis maintenant plusieurs années, dans le milieu underground de la Capitale. A travers ses photos et ses films, elle reflète l’univers (trop) souvent caché de la scène queer. Réalisatrice du premier porn queer lesbien français, One Night Stand, en 2006, Emilie ouvre une porte qu’elle n’est pas prête de refermer. Pour mieux comprendre sa démarche et parce que je soutiens son travail, j’ai le plaisir de lui poser quelques questions en exclu pour Foleffet !


Cha : Emilie, tu as grandi dans le sud de la France ou tu as fait tes études, notamment les beaux arts d’Aix en Provence et l’école Nationale de photographie de Arles, pour rejoindre finalement la capitale. Pourquoi ce choix de t’installer à Paris ?

Emilie : J’en avais marre du folklore provençal , des affiches de corrida, des peintures de champs de lavande et de la danse orientale. Et de la condition des lesbiennes en province , cachées dans le dernier tiroir , dans le placard, au fond du couloir de nos compères les gays .

C : En tant qu’artiste femme, féministe et lesbienne, as tu ressenti, depuis le début de ta carrière, de l’homophobie ou/et du sexisme envers ton travail ?

E : Bien sur. Du sexisme tout au long de mes études d’art. Je n’ai jamais eu AUCUNE prof femme , pour commencer, en 6 ans d’études. Ensuite au niveau de l’enseignement proprement dit, j’ai souffert d’un énorme manque de références artistiques appropriées. J’ai du chercher intensément, traduire des ouvrages de l’anglais, commander sur internet des ouvrages, en clair découvrir par moi même des artistes femmes, fÉministes, lesbiennes , dont les travaux faisaient écho en moi. Ces artistes sont très connues outre atlantique mais hélas ignorées plus ou moins volontairement par le monde de l’art français. Ensuite dans le monde du travail, il m’est arrivé aussi de ressentir du sexisme. Je citerai Elsa Olu : "La parité n’a pas gagné le monde de la photographie, et les clivages sexuels hommes/femmes oblitèrent encore souvent la reconnaissance d’une œuvre en agissant comme critères de validation ou d’invalidation du travail photographique des artistes."

Quelques exemples d’agences de photographes , qui parlent d’eux-mêmes :
- L’œil du sud, 5 photographes, 0 femme
- Agence Ana, 33 collaborateurs , 6 femmes
- Magnum, 73 photographes, 6 femmes -(!! )
- Reuters, - VII, 6 photographes, 1 femme etc ...

Au niveau de l’homophobie, c’est plus diffus, moins clairement exprimé , moins facilement quantifiable. Les gens préfèrent dirent "c’est trop explicite" , ou " la fille a l’air trop dure " , que de dire franchement "ça fait trop gouine ! "

C : En 2006, tu réalises ton premier long métrage, qui n’est autre que le premier film porno queer lesbien en france, One Night Stand, et tu gagnes le prix du jury au porn film festival de Berlin. De ce fait, as-tu l’impression que les mentalités changent et que les gens perçoivent ton travail différemment depuis ?

E : J’ai quand même l’impression que les choses ont bougé depuis. En 2005 , quand j’ai commencé à tourner le film, je recevais parfois des mails d’insultes très violents, envoyés par certaines femmes qui étaient très choquées . A les entendre j’étais un monstre , un homme machiste pervers déguisé en blonde qui allait pervertir d’innocentes créatures lesbiennes contre leur volonté. C’était un discours bizarrement très proche de certains extrémistes religieux , qui considèrent les femmes comme asexuées et mentalement irresponsables "par nature". J’avais envie de leur dire : Brulez moi !! Aujourd’hui , en 2009 , il y a régulièrement sur Paris des projections de films porn internationaux de qualité , alternatifs, subversifs, intelligents et excitants, fait par des femmes pour des femmes , ( au Cinéma le Beverly ) , et même des sex parties lesbiennes et queer , les deux organisés par flozif . C’était impensable il y a quelques années. Mais plus que la libération sexuelle des lesbiennes , ce qui m’intéresse c’est l’éducation , l’affirmation des femmes et des lesbiennes , parce que c’est un des premiers pas pour vaincre l’homophobie intériorisée , qui est encore très présente et fait beaucoup de ravages psychologiques. Pour avoir la force de se battre et d’ acquérir des droits , il faut d’abord s’aimer sois même et s’affirmer en tant que lesbienne, sur tout les plans. Pour pouvoir aimer qui ont veut , baiser de la manière qu’on a choisi , refuser de subir la pression du genre , du sexisme et de l’’homophobie, mais aussi avoir le courage d’exiger l’égalité TOTALE , c’est à dire le droit de se marier et d’adopter si on le souhaite .

C : Tu contribues d’ailleurs à faire évoluer ces mentalités. Tu as monté avec ton gang de fems (Wendy Delorme, Louise de Ville et Judy minx), la "fem menace". Parle nous un peu de ce concept ?

E : Wendy, Louise et Judy sont des amies et aussi des artistes que je respecte et avec qui j’adore bosser. On s’est chacune bagarrée pour affirmer notre identité de "Fem". C’est à dire "gouine" ET féministe engagée , tout en revendiquant une esthétique, une apparence très féminine , (parfois même très "femme fatale " , ou "bitchy " , comme Louise ou Wendy. ) Apparence que certain(e)s personnes considéraient comme purement "hétéro". De même que les Butchs étaient souvent accusées d’être trop "visibles" , ou de se prendre pour des "mecs machos" , les fems ont souvent été invisibilisé, et accusées de n’être pas "de vraies lesbiennes" . la fem menace est donc une association d’artistes , lesbiennes , féministes crée par des fems. On organise des soirées sur Paris, avec des performances , des expos , des djs, des concours absurdes et rigolos , des dress codes fabuleux et sexy, des shooting photos et vidéo , du slam , etc ... Tout le monde est bienvenu(e) : Fems, Butchs, Gouines , lesbiennes diverses et variées , Ftm, Mtf ect ..

C : Wendy Delorme est souvent à tes côtés dans tes projets, actrice dans "One Night Stand", égérie de ton dernier court métrage "The Apple" , co-fondatrice de la "fem menace" et vous partez cet été en tournée pour le Queer X show....le duo de choc quoi, mais comment vous êtes vous rencontrés ?

E : On s’est rencontrées il y a plusieurs années, lors d’ une conference sur le genre et l’identité. Wendy a passé la conférence à m’observer, en se disant " OH my god ! il existe une autre lesbienne avec du vernis ! Je veux être son amie ! " Ensuite, on s’est revues à l’opening d’une de mes expos photo , je cherchais des actrices , elle s’est proposée , et notre amitié a commencé.

C : Tu reviens de Madrid il y a peu avec un prix pour "The Apple", c’est ton deuxième avec ONS, comment vis tu ces "victoires" ?

E : "One Night Stand" a remporté 4 prix en tout , (Berlin, Copenhague, Amsterdam, Toronto ), le dernier étant le "feminist porn award 2009" pour "the sexiest dyke movie " ! J’’en suis méga fière, et j’ai conscience que c’est vraiment un parcours exceptionnel pour un petit film diy (do it yourself) Dans la foulée , quelques semaines plus tard, "The Apple " a remporté le prix du meilleur court métrage international à Madrid. Cette reconnaissance de la part du public et des différents jury me fait vraiment plaisir car ça confirme que des oeuvres diy , mais faites avec passion et amour peuvent toucher les gens.

C : Revenons à ton actualité et à ce projet incroyable de tournée à travers l’Europe cet été, Le Queer X show ! Racontes nous, on veut tout savoir.

E : Oh c’est un projet complètement fouf ! C’est un spectacle produit par 7 performeuses et artistes queer européennes et américaines : Wendy Delorme, Judy Minx, Mad Kate (Berlin - San Francisco), Ena aka DJ Metzgerei (Berlin), Sadie Lune , Madison Young (San Francisco) et moi-même. Cette escapade européenne en bus , débute mi-juillet à Berlin, pour s’achever mi-août 2009. Le spectacle qui tournera de ville en ville est composé de performances live explicites, de saynètes burlesque, de spoken words, de concerts, de projections vidéo et photo. Caméra au poing, je vais filmer la troupe de bad girls en tournée pour capter les moments intimes, les spectacles publics, le voyage en bus, les aires d’autoroutes, les rencontres, la découverte des capitales et l’accueil du public, la joie et la frénésie de la tournée, les confidences des performeuses, les histoires d’amour et d’amitié qui vont se nouer, avec , peut être , des scènes érotiques backstages ! Les artistes performeront sur scène avec des musiques créées spécialement pour la tournée : Mz Sunday Luv, La Poupée qui Hurle, Scream Club, Blue Borderline, Flaming Pussy, Lorena & the Bobbits, Tribe8 , etc..

Idéalement ça donnera deux films :
- un road movie documentaire
- un film explicite comprenant des scènes X inédites (pour un DVD uncensored et des projections dans les festivals alternatifs queer)

C : Un projet comme celui-là demande, j’imagine, une organisation énorme et un investissement conséquent (location du bus, essence, hébergement, nourriture etc...). Comment financez vous ce projet ?

E : Oui, c’est une organisation de malade mental. On a deux formidables petits prods , un pour la location du bus (Jurgen/Wurstfilm prod/berlin ) et un pour le matos ( Jp zirn/La Seine Prod/Paris). On a aussi deux adorables sponsors , Edouardo du bar Les Souffleurs , dans le Marais à Paris , et les filles de WetForHer. On cherche encore des gens pour nous aider . DES FILLES ! Fabuleuses lesbiennes riches , belles mécènes aimant l’art et les femmes, ou êtes-vous ??? !! Donnez nous des sous. Ou un jerican d’essence. Ou une nuit d’hôtel au bord de l’autoroute. Ou des portes jarretelles Chantal Thomass.

Pour financer l’essence, l’ hébergement, la nourriture, on a organisé plusieurs soirées comme la Punk Paillette, et attention, ce weekend la dernière soirée de soutien sera très FOLLE , ANNÉES 30, RETRO GLAM : "Paris Was A Girl" , samedi soir (6 juin) chez Moune à partir de 22H.

C : Pour finir, est ce que tu peux nous dire ce qui te plait le plus dans ton travail ?

E : L’argent facile. Que les filles soit nues , qu’elles se jettent sur moi. Les jets privés. Le caviar a volonté.


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