L’orgasme féminin comme métaphore
"La vulve, les lèvres, le vagin, l’utérus et le clitoris forment le plus mystérieux des organes, le système clitoridien. Ce réseau élégant et complexe s’étend profondément dans l’anatomie génitale de la femme, se gonfle de sang pour lui offrir des sensations de plaisir d’une incroyable intensité, mais l’histoire a censuré pendant de longues périodes tout ce qui touchait à la sexualité féminine, sa connaissance et son fonctionnement.
Le refoulement de l’orgasme au féminin s’inscrit dans une tradition séculaire de répression des femmes. Le déni culturel de leurs besoins sexuels est le miroir d’un système social dans sa globalité, lequel fait des femmes des individus de seconde zone. Pour cette raison, l’orgasme est une métaphore du pouvoir d’action des femmes dans la société. (...)
Pendant des siècles, on a dit que les femmes avaient "du mal" à orgasmer, que leurs orgasmes étaient loin d’être aussi forts, aussi "réels" que ceux de leurs congénères masculins ; que les hommes éprouvaient plus facilement des plaisirs sexuels, que leurs orgasmes étaient plus violents, leurs organes sexuels plus gros et plus importants, etc. Mieux, on prétendait qu’une femme incapable de jouir comme un homme pendant le coït souffrait d’un simple "blocage", du à un état de peur psychologique ou à une névrose.(...)
La société avait beau savoir depuis longtemps qu’une femme qui s’autostimule (masturbation) orgasme plus facilement que pendant le coït et que la masturbation est clitoridienne et externe, non vaginale, elle s’obstinait à condamner la moitié des individus qui la composaient, comme si leurs besoins et leurs sensations étaient erronés, déplacés.(...)
Les témoignages de plus de trois mille femmes établissent clairement qu’elles sont capables d’orgasmer par elles-mêmes dans leur immense majorité (autostimulation ou masturbation manuelle/orale par un partenaire). Elles ne sont qu’un tiers à orgasmer pendant l’acte proprement dit, par la pénétration ou le coït(sans aucune excitation avec la main). A ce propos, pourquoi parlent-elles systématiquement du début du coït en termes de "pénétration vaginale" ? Ne serait-il pas aussi simple de parler d’"étui pénien" ?
Conclusion : l’orgasme féminin provoqué par l’excitation du clitoris est normal, il n’est pas un signe d’"immaturité", ni un symptôme d’un quelconque dysfonctionnement. Nous devrions fêter l’orgasme au féminin au lieu de le vouer aux gémonies ! Les femmes n’ont pas de "problème" sexuel, c’est la société qui répugne à accepter et comprendre la sexualité féminine.
Sommes-nous modernes ?
Nous pensons être des femmes et des hommes "modernes" (" nous savons déjà tout cela"), et pourtant...que celles qui ont vu un film américain ou une vidéocassette porno montrant une scène d’excitation manuelle du clitoris avec orgasme à la clé lèvent le doigt ! XXIème siècle ou pas, le mythe du coït comme seul "vrai sexe" est toujours vivace.
Une théorie trés en vogue dans les années 80 a d’ailleurs contribué à entretenir le mythe : il y aurait à l’intérieur du vagin un point qu’il suffirait d’exciter pour provoquer l’orgasme, le fameux "point G". L’enquête menée en amont de ce rapport révèle que pour les femmes "le point C", le clitoris, prime sur "le point G". Si le point G existait vraiment, pourquoi les femmes n’ont-elles pas été plus nombreuses à crier hosanna pendant des siècles et des siècles ? Pourquoi choisissent-elles majoritairement de caresser leur zone vulvaire et clitoridienne au lieu d’autostimuler l’intérieur du vagin ? Les préférences des femmes à cet égard sont sans équivoque. (...)Ne pas orgasmer pendant "l’acte" n’est ni un crime ni un signe de dysfonctionnement sexuel : l’excitation du clitoris pour connaître l’orgasme n’est pas une activité sexuelle mineure ! La stimulation clitoridienne est extrêmement érotique et excitante quand on est deux. C’est une fête et une source de plaisir.
Aujourd’hui, les femmes veulent que leurs partenaires comprennent la beauté et le fonctionnement de leur clitoris.
Nom : inconnu
Dernière pierre d’achoppement : comment parler de la stimulation, comment la décrire - ou la demander ?
Pourquoi la "stimulation du clitoris pour orgasmer" n’a-t’elle pas de nom ? L’anonymat de la principale source de plaisir sexuel féminin relève plus du bizarre que du romanesque.
Nous pourrions imaginer un nom et le porter sur les fonts baptismaux, en quelque sorte. Il existe un mot (parmi d’autres) pour désigner la stimulation orale du clitoris et de la vulve : "cunnilingus". Un mot à consonance latine plutôt long, pas franchement facile à dire, bref, un mot à coucher dehors, mais qui a au moins le mérite d’exister. Quant à la "stimulation manuelle du clitoris pour orgasmer" - le moyen le plus répandu de jouir, les femmes en témoignent - elle est condamnée à l’anonymat le plus complet.
Cette lacune linguistique qui a traversé toute l’histoire de l’Occident, ou presque, illustre à la perfection la manière dont une civilisation a tenté de réprimer la connaissance du corps féminin et de juguler le désir et le plaisir de la moitié de ses membres."