11 ans. Je crois que je peux dire qu’à cet âge, ma vie a prit un tournant clair et décisif. C’était l’été et la fête foraine de St-Pierre Eglise battait son plein. J’avais reçu de mes parents un peu d’argent "pour aller jouer" pendant qu’ils buvaient tranquille à la terrasse d’un café. Je me précipitais sur le stand de tir à la carabine (je masterisais à l’époque le maniement de la winchester 72 à balles en liège) et éliminais tous les ballons de leur prison à air pulsé. Mon prix : le 45t de Jenifer : Do it for me. Je regardais avec un mélange de doute et de tentation honteuse la pochette : jenifer, plantureuse brune dans la vingtaine, s’est pris une averse et semble se demander ce qu’on attend pour venir l’aider à enlever son tee-shirt mouillé qui lui colle à la peau. Avec son étoile argent sur fond noir, je me demandais ce que c’était que ce disque et si je ne m’étais pas fait rouler par le forain. J’empochais aussi un gros couteau que je me pressais de dissimuler aux regards de mes parents et rentrait dare-dare pour écouter mon cadeau sur mon superbe électrophone orange.

Le disque n’a plus quitté le tourne-disques et a tourné en boucle pendant tout l’été jusqu’à la rentrée et les premières notes des Buggles : "Video killed the radio stars".