Je ne sais pas comment on en est arrivées à discuter de ça. La raison doit être surement liée à ma curiosité de groupie pour tout ce qui touche au foot féminin.
Tout le monde connait les tabous et les non dit qui entourent l’épineux problème de l’homosexualité dans le sport professionel. J’étais donc très curieuse de savoir comment le magazine lesbien officiel d’Allemagne avait couvert le coupe du monde des dykes... pardon de foot. Et les réponses de la rédactrice en chef Manuela m’ont fait beaucoup rire !
Avant le début de la coupe du monde 2011, L.Mag a demandé une interview à plusieurs joueuses de l’équipe nationale allemande. Pour ne pas mélanger ce qui ne doit pas se mélanger, L.Mag a pris son rôle très au sérieux et, au lieu de contacter les joueuses de manière privée ("on les connait pas mal..." me disait Manuela), a préféré passer par les voies officielles.
La rédaction a alors approché la ligue de foot professionnelle pour avoir leur autorisation formelle. Il faut savoir qu’elles avaient bien préparé leur coup. En effet, le président de ladite fédération est un fervent supporteur de la cause lgbt. Eh oui, chez nos amis allemands, le big boss du foot avait par deux fois répondu aux questions de L.Mag en expliquant son total soutien de l’homosexualité sur le terrain vert. Il aurait même poussé le discours jusqu’à s’engager personnellement à épauler tous les gays ou lesbiennes en chaussettes longues qui auraient décidé de faire, enfin, leur coming out. Ainsi va l’Allemagne !
Au delà de toutes ces belles paroles, la rédaction de L.Mag resta sur ses fessiers quand aucune fille de l’équipe accepta de répondre aux questions du magazine. Manuela me dit avoir été déçue de voir comment certaines figures publiques, qui lisent son magazine, qui vont draguer dans les bars de filles, à des soirées organisées par des lesbiennes militantes, quand il s’agit d’elles, de leur propre visibilité, répondent que non, elles ne sont pas lesbiennes ! C’est un question qui les concerne de manière privé, circulez, il n’y a rien a voir !
Mais il y a pire. Peu avant la publication du numéro d’été de L.Mag, divers attachés de presse ont commencé à envoyer des courriels à la rédaction, pour expliquer que leur protégées ne voulaient pour aucune raison faire la couverture. Mais dans la tète de la directrice Manuela la réponse était toute prête : comme il s’agit de personnages publiques, le magazine reste libre de mettre en couverture n’importe qui sans que ceci sous-entende que la personne est gay ou pas.
Du coup, la pression qui a été faite sur la rédaction est devenue plus subtile : "Vous n’allez pas mettre ces filles dans l’embarras, il y a quand même le respect de la vie privé, le droit à la gestion de sa propre image et blabliblabla". Tout ça pour ne pas admettre qu’en 2011 de s’afficher sur un journal lesbien coute encore trop cher.
Mais, comme on le dit souvent, quand on peut se le permettre, l’humour reste encore la meilleure solution. Peu avant l’été, la rédaction du journal, épuisé par cette situation, a décide de publier en couverture la photo de la seule joueuse sur laquelle elles étaient sures 100% de son orientation sexuelle, Fatmire Bajramaj. Le gros titre qui accompagnait sa photo disait :
"Une sur Onze est Hétéro"
Comme il était prévisible, suite à la sortie de ce numéro, L.Mag a reçu un incalculable nombre de lettres : la moitié d’insultes des lectrices qui s’indignent du manque respect pour leur championnes, l’autre moitié les remerciant pour l’info.
Je vois déjà se lever sur la gauche le groupe des supporteuses du : "on est toutes libres de dire ou pas ce qu’on veut !!" Oui, je sais, et je suis totalement d’accord. Mais si on s’efforce de lire entre les lignes, voilà ce qu’on appelle une histoire édifiante sur la visibilité.