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ANN SCOTT ou le miracle d’une résurrection littéraire.

lundi 6 septembre 2010, par C.Line

Avec A la folle jeunesse, Ann Scott, retrouve sa poésie de fée poly-névrosée.


En 2000, le premier livre d’Ann Scott, Superstars, m’avait plu. J’étais amusée d’y reconnaître les figures emblématiques des nuits lesbiennes parisiennes. Dj Sextoy mixait au Pulp, la boite où les filles se reluquaient, buvaient, se roulaient des pelles, se bagarraient, et, éventuellement dansaient quand elles n’avaient plus rien d’autre à faire. Superstars m’avait appris que certaines se défonçaient consciencieusement. Je tenais enfin l’explication scientifique de cette permanente et interminable queue pour les toilettes. On y frôlait Björk, Chloë Sévigny.

A cette époque, être lesbienne, de honte était devenu fierté, non pas grâce à un militantisme revendiqué et assumé mais par la médiatisation populaire d’un glamour sulfureux.

Ann Scott ne brillait pas par son écriture époustouflante. Son style direct, simpliste et parfois bâclé racontait une romance sentimentale sans originalité, mais ses personnages transgressifs, l’environnement musical à la pointe du chic parisien, la diffusion de nouveaux codes du genre sexuel incarnaient l’esthétique avant-gardiste de l’instant.

Les passages de sodomies entre filles, la séquence uro constituaient le nec plus ultra en matière de scènes osées. Aujourd’hui, ma grand-mère ne cillerait même pas.

Ann Scott a été la chroniqueuse de cette période sexy et libératrice et, peu importe que sa langue n’ait pas été au niveau, elle a eu le talent de l’illustrer avec fraîcheur, en images fractionnées de lumière stroboscopique. Depuis, venant d’elle, il n’y avait plus rien eu de lisible.

Si j’ai consenti à ouvrir A la folle jeunesse, c’est uniquement par conscience professionnelle.

Nous retrouvons la narratrice, héroïne de Superstars, dans une autofiction sans complaisance qui oscille entre rapport psychiatrique et cahier de vacances.

Ann Scott brouille les pistes. Le récit déstructuré, mélangeant souvenirs d’enfance et scènes présentes, décrit, pour l’essentiel, la vie bouleversée du personnage, double ambigu de l’auteur, depuis la parution de Superstars.

Autobiographie partielle ou fiction réelle, l’écrivain joue avec les dimensions multiples de la narration, avec le même talent manipulateur qu’un Bret Easton Ellis complice (Lunar Park et Suites Imperiales) qu’elle évoque souvent (sont-ils vraiment si intimes ?).

Petite fille négligée par des parents riches mais absents, l’héroïne, devenue adulte, évolue dans un monde de luxe, peuplé de personnages désincarnés, dont le confort superficiel ne la rassure pas. Sorte de fée Clochette en sortie de HP, elle lutte perpétuellement pour surmonter ses obsessions phobiques et ses crises d’angoisse paralysantes.

Ne cédant jamais à la lourdeur d’un quelconque apitoiement narcissique, Ann Scott réussit à tenir la note de la légèreté grâce à un ton délicatement ironique, à une écriture maîtrisée même dans sa spontanéité.

L’ambiance brumeuse de ce texte aux visions fragmentaires renvoie à cette nostalgie de l’enfance solitaire, à ces après-midi de fièvre passés au lit quand les autres sont à l’école où l’on rêve éveillé sans plus savoir distinguer la réalité de l’illusion hallucinée.

Rencontre le 9 septembre chez Gals Rock à 19h.

C.Line.